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Thème 1

L’algèbre au collège – sur les pas d’un funambule 

ou à la recherche d’un fil entre outil et objet, entre sens et technique, entre syntaxique et sémantique …

Lalina Coulange

Université de Bordeaux, LaB-E3D (EA 7441)

Les recherches en didactique ont longtemps dénoncé le fait que les savoirs algébriques étaient enseignés comme « morcelés » et privés de leurs fonctionnalités, voire de leurs raisons d’être (Chevallard, 1994) ou d’une dimension outil (Grugeon, 1997). De nombreux travaux ont visé à (re)donner du sens à l’algèbre comme outil pour modéliser, généraliser et/ou prouver, etc. Les résultats de ces recherches ont parfois trouvé une forme d’écho à la fois dans l’enseignement et la formation : se traduisant entre autres par la présence de situations de référence (comme celle des « carrés bordés »[1]) dans des ressources variées (dont institutionnelles) à destination d’enseignants ou de formateurs. Toutefois les retombées en termes d’apprentissages des élèves semblent toujours se faire attendre : le calcul algébrique apparait parfois même « extraordinairement » peu maîtrisés par certains élèves aujourd’hui, et ce, jusqu’à l’entrée à l’université.  

Si un tel constat peut conduire à réinterroger les conditions de diffusion des recherches en didactique dans l’enseignement et la formation (Coulange & Grugeon, 2008 ; Assude, Coppé & Pressiat, 2012 ; Coppé & Grugeon, 2009), cela m’a pour ma part, conduite à vouloir (re)questionner des formes d’équilibres à (re)trouver entre sens et technique, entre outil et objet mais aussi, entre des dimensions syntaxique et sémantique des écritures symboliques en algèbre (Drouhard, 1995 ;Drouhard & Panizza, 2012).

A l’occasion de cette présentation, je reviendrai tout d’abord sur la question des techniques de calcul algébrique et sur ce qui paraît lacunaire dans la mise en œuvre de ces techniques par les élèves, du point de vue des transformations d’écritures symboliques – et ce, dès le début de l’enseignement de l’algèbre élémentaire (Constantin, 2017). Plusieurs phénomènes apparus au fil d’observations conduites dans différents contextes de recherche mais aussi de formation, viendront étayer un tel constat. Ils contribuent à interroger de manière inédite, les pratiques enseignantes en vue de mieux les enrichir, par exemple en se posant la question du discours enseignant qui « accompagne » les transformations d’écritures (Barthes-Garnier, Coulange & Hache, 2022).

Puis sur les « pas du funambule », je reviendrai sur l’outil algébrique, mais en invitant à ne négliger ni la dimension sémantique cette fois, ni ses mises en relation avec la dimension syntaxique qui aura été largement explorée avant. Si le temps le permet, j’explorerai à cet effet, différentes directions liées à différents registres de représentation sémiotiques (Duval, 1993) et associées à différents cadres (géométrie, grandeurs, arithmétique et même algébrique) (Douady, 1986) qui me semblent avoir potentiellement un rôle important à jouer de ce point de vue.



[1] Tirée de l’ouvrage « les débuts de l’algèbre au collège » (Combier, Guillaume et Pressiat, 1996).

 

 

 

Le développement de la pensée algébrique avant l’introduction du symbolisme algébrique conventionnel : recherches et perspectives curriculaires

Hassane Squalli

Université de Sherbrooke

 

L’idée que l’apprentissage de l’algèbre doit venir après celui de l’arithmétique a longtemps prévalue dans la communauté des éducateurs en mathématiques et marque encore les programmes d’études de plusieurs pays.

Mais le passage pour les élèves d’un mode de pensée arithmétique à un mode de pensée algébrique est loin d’être facile à réaliser et pose toujours problème. Vergnaud (1986) parle d’une double rupture épistémologique lors du passage de l’arithmétique à l’algèbre : opposition des caractéristiques de la résolution arithmétique à celles de la résolution algébrique et opposition des modes d’appréhension des écritures algébriques et numériques (statut du signe d’égalité, statut des lettres), des modes de contrôle dans la transformation des écritures.

Dans les années 90, un mouvement international a eu lieu pour réformer l'enseignement de l'algèbre à l'école. Il a donné lieu au courant Early Algebra qui réfère à la fois à un domaine de recherche, une approche curriculaire et un domaine de formation des enseignants. Ce courant met l’accent sur le développement précoce de la pensée algébrique avant l’introduction du symbolisme algébrique conventionnel, c’est à dire, dès le début du primaire jusqu’à la fin du secondaire.  Il remet ainsi à l’ordre du jour la signification de l’algèbre et de la pensée algébrique, ainsi que la relation entre arithmétique et algèbre, entre pensée algébrique et pensée arithmétique. 

La perspective Early Algebra a influencé les curriculums des mathématiques à l’école

primaire et secondaire de plusieurs pays. Depuis les années 2000, nous assistons à l’émergence de programmes de mathématiques de différents pays, visant de manière explicite le développement précoce de la pensée algébrique. C’est le cas des états unis d’Amérique, de toutes les provinces canadiennes (sauf le Québec), de plusieurs pays d’Asie (Chine, Singapour, Corée du sud, ….) Australie, Brésil, etc.

Selon certains chercheurs de ce mouvement (Kaput, 1998 ; Carraher et Schliemann, 2007 ; Squalli, 2004, Squalli, Mary et Marchand, 2011) l’hypothèse actuelle concernant le courant Early Algebra est qu’il ne doit pas être perçu comme une version précoce de l’algèbre actuellement enseignée au secondaire, une préalgèbre. Il est plutôt une stratégie pour enrichir les contenus mathématiques enseignés au primaire, en offrant aux élèves des opportunités pour développer la pensée algébrique et approfondir davantage certaines notions et concepts mathématiques (le concept d’opération, d’égalité, d’équation, de régularité, de formule, de variable et de variation, entre autres).

Plusieurs travaux, dont notamment ceux réalisés par des chercheurs du Québec, France, Brésil, Maroc, Tunisie, Bénin, Belgique de l’Observatoire International de la Pensée Algébrique (OIPA), montrent que les élèves du primaire et du début du collège manifestent une pensée algébrique dans la résolution de problèmes de généralisation (Vlassis, Demonty, Squalli, 2017; Abouhanifa, Squalli, 2019) et de comparaison (Adihou et al., 2015, Oliveira et Rhéaume, 2014).

Dans cette conférence, je présenterai brièvement le contexte d’émergence du mouvement Early Algebra, ainsi que des questions qui font débat chez les chercheurs.  Ensuite, j’exposerai un cadre de référence de l’algèbre et de la pensée algébrique, ce qui me permettra à travers des exemples de montrer quelques caractéristiques essentielles de la pensée algébrique et leurs distinctions avec la pensée arithmétique.

Enfin, je présenterai quelques résultats de recherches empiriques portant sur des enjeux importants du développement de la pensée algébrique chez des élèves de fin primaire et du début du collège.

 

Bibliographie

 

Adihou A., Squalli H., Saboya M., Tremblay M., Lapointe A. (2015) Analyse des raisonnements d’élèves à travers des résolutions de problèmes de comparaison. In Theis L. (Ed.) Pluralités culturelles et universalité des mathématiques : enjeux et perspectives pour leur enseignement et leur apprentissage – Actes du colloque EMF2015 – GT3, pp. 206-219.

Abouhanifa, S; Squalli, H (2019). Les stratégies exprimées par les élèves dans la résolution d’un problème de généralisation algébrique. Communication présente au 4e Colloque de l'OIPA, L’enseignement et l’apprentissage de la pensée algébrique entre 5 et 14 ans. 6 et 7 mars 2019, Université de Liège, Belgique

Carraher, D. W., & Schliemann, A. (2007). Early algebra and algebraic reasoning. In F. K. Lester (Ed.), Second handbook of research on mathematics teaching and learning (pp. 669–705). Greenwich, CT: Information Age Publishing.

Kaput, J.J. (1998).  Transforming algebra from an engine of inequity to an engine of mathematical power by «algebrafying» the K-12 curriculum.  In the Proceedings of a National Symposium, may 27 and 28, 1997.  The Nature and Role of Algebra in the K-14 Curriculum (pp. 25-26).  Washington, D.C. : National Academy Press.

Oliveira, I. et Rhéaume, S. (2014). Comment s’y prennent-ils? La résolution de problèmes de partage inéquitable par des élèves avant enseignement formel de l’algèbre. Canadian Journal of science, mathematics and technology education, 14(4), 404-423.

Squalli, H. (2000). Une reconceptualisation du curriculum d'algèbre dans l'éducation de base. Thèse de doctorat. Université Laval.

Squalli, H. (2004). Plaidoyer en faveur d’une algébrisation des mathématiques de l’école primaire. Actes du colloque du Groupe de didactique des mathématiques 2002. Université du Québec à trois-Rivières. Trois-Rivière, Québec).

Squalli, H., Mary, C., & Marchand, P. (2011). Orientations curriculaires dans l'introduction de l'algèbre: cas du Québec et de l'Ontario. In Recherches et expertises pour l’enseignement scientifique (Vol. 1, pp. 65-78). De Boeck Supérieur.

Vergnaud, G. (1986), Long terme et court terme dans l'apprentissage de l'algèbre in Actes du premier colloque franco-allemand de didactique. Éditions La Pensée Sauvage.

Vlassis, J., Demonty, I., & Squalli, H. (2017). Développer la pensée algébrique à travers une activité de généralisation basée sur des motifs (patterns) figuratifs. Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, 20(3), 131-155

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Thème 2

La transposition didactique des savoirs de la didactique vers la formation des enseignants : quelques réflexions

Magali HERSANT

INSPE académie de Nantes, Nantes Université

Parler de transposition didactique des savoirs didactiques vers la formation des enseignants suppose de considérer la didactique des mathématiques comme une discipline scientifique qui renvoie à une certaine pratique et produit des savoirs. En nous situant dans cette perspective, nous proposons de réfléchir aux différents savoirs issus de recherches en didactique des mathématiques qui peuvent faire l'objet d'une telle transposition en formation(s) et aux conditions de cette / ces transpositions dans différents contextes institutionnels. Pour mener cette réflexion, nous nous appuierons sur des travaux didactiques relatifs à la formation des pratiques enseignantes en mathématique ou au développement professionnel des professeurs.

 

Des savoirs didactiques aux savoirs professionnels : quelle transposition ?

Sylvie COPPE

Université de Genève, FPSE, Equipe DiMaGe

 

La question de la transposition des savoirs de la didactique des mathématiques aux savoirs professionnels des enseignants de mathématiques (du primaire ou du secondaire) se pose en particulier depuis les années 1990, avec la création des IUFM qui ont regroupé les formations du primaire et du secondaire et dans lesquels de nombreux·ses chercheur·ses en didactique ont été impliqué·es. D’ailleurs, la création de la CORFEM, dans ces années 90, avait pour but de travailler de façon collaborative sur ces questions. Le champ de la didactique des mathématiques a développé des concepts théoriques et des méthodes particulières qui constituent toute une palette d’objets et d’outils pertinents pour le travail de formation mais qui supposent des adaptations pour qu’ils puissent s’intégrer aux contextes et besoins des pratiques enseignantes. Dans cette conférence, en parcourant un certain nombre de concepts et méthodes issus de la didactique des mathématiques, nous essaierons de déterminer ce qu’ils peuvent apporter en formation et selon quelles adaptations.

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